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Monoplantations, asthme et allergies alimentaires

publié le 12/04/2021 | par Delphine Prince

Voilà enfin revenus les douces températures et l’expansion de la nature. Et avec elles, le plaisir des promenades dans les forêts et les parcs.

Chapitre I : Le retour du printemps : un plaisir pour tous ?

A vous d’en juger.

Mars 2021, quelque part dans le Nord la France

En consultation pour la journée mais tout à ma joie de profiter de l’air de ce doux printemps, j’ouvre grandes les fenêtres face à un joli parc planté de superbes arbres au tronc blanc.
Face à moi, Fanny, 38 ans, qui souffre d’une rhinite allergique et d’un asthme a priori bien contrôlé, consulte car elle a vu apparaître depuis mars 2020, des allergies alimentaires à la pomme rouge et à la nectarine crues. Jusqu’ici, les réactions restaient peu sévères, quelques picotements autour des lèvres et dans la bouche et la Fanny continuait d’ingérer de petites quantités des aliments concernés.
La semaine précédent la consultation, Fanny a dû se rendre aux urgences car elle a présenté un angioœdème du visage (gonflement du visage et des lèvres) associé un gonflement de la langue, à une dysphagie (difficulté à avaler) et à une gêne respiratoire à l’ingestion de chocolat avec des morceaux de noisette, qu’elle consommait jusque-là régulièrement sans présenter de réaction.
Et pour ce qui concerne l’allergie respiratoire ? Durant la consultation Fanny se frotte les yeux, éternue et elle me demande gentiment de fermer la fenêtre. Elle avoue se sentir un peu plus essoufflée depuis 3 semaines. Et, même si l’auscultation pulmonaire reste normale, l’examen de la fonction respiratoire montre quelques signes d’asthme.

Février 2021, en gare d’Avignon

Adam, 22 ans, étudiant dans le Nord de la France s’est rendu au domicile de ses parents, en Avignon, durant les vacances d’hiver.

Asthmatique dans l’enfance mais sans signes respiratoires ces derniers temps, et maintenant suivi pour des allergies alimentaires, à peine sorti du TGV, sur le quai de la gare, il a ressenti de vives démangeaisons oculaires, un larmoiement et rapidement un gonflement des yeux et du visage. Ouf, le traitement prescrit pour la durée de son séjour était bien dans son sac à dos. Malheureusement les randonnées sur la Montagnette ne seront que pour l’été prochain car cette fois car Adam a été contraint de rester, comme on le dit maintenant, confiné à l’intérieur de la maison.

Adam souffre a souffert d’un asthme quasi-per annuel dès la petite enfance.

Ses allergies alimentaires ont débuté alors qu’il avait 12 ans. Il a présenté en mangeant un morceau de gâteau aux pêches, juste après être allé courir avec sa mère, une crise d’asthme plus violente qu’à l’habitude et cédant mal à l’inhalation de son bronchodilatateur. A l’arrivée des secours, on constatait une chute de tension et l’enfant a été hospitalisé en urgence. La réaction a été diagnostiqué comme étant une allergie à la pêche, confirmée par le bilan allergologique. Depuis le jeune homme a présenté des crises d’asthme sévères à l’ingestion de jus d’orange puis de quelques grains de grenades posés en décors des amuses bouches présentées lors du bal de promotion de son école en 2019.

Outre l’intensité des manifestations respiratoires et oculaires de nos personnages, les allergologues auront reconnu la situation classique et oh combien fréquente de l’allergie croisée pollens-aliments et de ses manifestations parfois très sévères.

Les médecins intéressés par la question pourront se rapporter aux récents webinaires sur sujet.
Citer en référence à la fin de l’article
Conférence thermofisher du 21 janvier : la Giberelline (rPru p7) :
Symposium intermed publishig du 30 mars : Allergie aux pollens en France : regards croisés du Nord et du Sud

Pour les non-médecins, disons pour résumer, que l’allergie, dans sa manifestation la plus courante, est une réaction inappropriée du système immunitaire. Le système immunitaire des allergiques fabrique des anticorps de la famille des immunoglobulines E (IgE) contre certaines protéines d’éléments inoffensifs de l’environnement (c’est en cela que la réaction est inappropriée, car 100% de la population mondiale sait maintenant que les anticorps, c’est contre les virus, les bactéries, les parasites pathogènes, bref contre les véritables agresseurs, que le système immunitaire est censé les produire). D’où lors du contact, le développement d’une inflammation qui entraîne les symptômes.

Les protéines de certains fruits ont des structures proches de celles de certains pollens, ce qui n’est pas étonnant car n’oublions pas que dans le cycle de vie du végétal, c’est la pollinisation qui aboutit à la fructification puisque le pollen est l’élément reproducteur mâle de la plante. Et dans certains cas, les anticorps sécrétés à l’encontre des pollens d’arbres reconnaissent des motifs protéiques similaires présents dans certains aliments d’où la présence d’allergies alimentaires parfois bénignes mais aussi, on le constate de plus en plus fréquemment, sévères.

Habituelle dans le nord de la France, l’allergie croisée bouleaux-fruits concerne habituellement les fruits à noyaux et à pépins ainsi que les noix, noisettes, amandes. Cette allergie ne concerne que les fruits crus et les symptômes, habituellement décrits comme bénins voient de plus en plus fréquemment leur sévérité s’accroître. La protéine commune aux pollens de bouleaux ainsi qu’aux autres bétulacées (l’aulne, le charme, le noisetier) et aux fruits cités est bien identifiée. Il s’agit des protéines de la famille des PR10.

L’allergie croisée pollens-cyprès est connue pour la sévérité de ses signes et elle touche également les fruits cuits.

Plusieurs protéines, résistantes à la cuisson peuvent être en cause, dont celles bien connues des allergologues de la famille des LTP et de découverte plus récente, les protéines de la famille des GRP.

Peuvent être responsables également les protéines de la famille des Profilines, pan allergène végétal, retrouvé dans une très grande variété de fruits.
Que ce soit par la sévérité des signes respiratoires ou des manifestations d’allergie alimentaire ou par la grande variété pour un même patient, des aliments qui engendrent une réaction, la pollinose et l’allergie pollens-aliments ont un impact net sur la qualité de vie des personnes concernées.

Fanny et Adam ne sont pas des patients existants et leurs histoires ne sont pas à proprement parler des cas cliniques. Néanmoins toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n’est absolument pas fortuite et vous aurez tous reconnus, j’en suis certaine, nombre de vos patientes et patients, votre voisine, votre petit frère…

Chapitre II :

L’objet de cet article n’est pas de refaire ici un cours théorique sur le sujet de l’allergie croisée.

Mais bel et bien de remonter l’arbre des causes pour pointer du doigt l’un des facteurs favorisants de cette véritable épidémie de pollinose et d’allergies alimentaires sévères : la mono plantation.

Arbre emblématique des paysages méditerranéens, lorsqu’il pose isolée son élégante silhouette élancée en haut d’une colline, le cyprès est de plus en plus planté en haies le long des habitations du fait de sa pousse rapide et pour son effet coupe-vent et brise vue.

Le bouleau quant à lui, avec son superbe tronc blanc, pour sa variété betula alba, et ses petites feuilles vert clair est un arbre d’ornement à croissance rapide et peu exigeant sur la nature du sol.

Et qui dit concentration d’espèces à pollens allergisants dit bien sûr des émissions de pollens en plus grand nombre et plus de patients atteints, avec des symptômes plus sévères.

La France n’est pas le seul pays touché par ces phénomènes

Les forêts de bouleaux sont répandues dans tout le nord de l’Europe. La noisette représente maintenant le premier allergène alimentaire en Europe.

Au Japon, par suite de la destruction d’une partie des forêts durant la seconde guerre mondiale, et du reboisement systématique par le cyprès choisi tant pour sa croissance rapide que ses propriétés de matériau de construction, on observe depuis chaque printemps un nuage de pollens allergisants.

Le Réseau National de Surveillance Aérobiologique (RNSA) a classé sur l’une de ses pages les végétaux en fonction de leur potentiel allergisant. Parmi les arbres à fort potentiel allergisant, on retrouve non seulement les bétulacées (bouleau, aulne, charme, noisetier) et les cupressacées (cade, cyprès commun et cyprès d’Arizona) mais aussi les oléacées (frêne et olivier), famille également responsable de sévères allergies croisées arbres-fruit

Dans son « Guide de la végétation en ville » téléchargeable à partir de la même page, le réseau propose des fiches détaillées par espèce, visant à proposer des alternatives à la plantation d’espèces allergisantes, en fonction des qualités souhaitées de la plantation.

Sont cités parmi les espèces peu allergisantes et à potentiel décoratifs des érables, marronniers, châtaigniers, les charmes houblon (une espèce de betulaceae peu allergisante), les ormes, les thuyas cupressaceae peu allergisant qui peut avantageusement remplacer les cyprès.
Dans tous les cas, le RNSA conseille, pour diminuer le risque d’allergies de varier les plantations en diversifiant les essences, y compris dans les haies, ce qui permet de diminuer la concentration de pollen allergisant pour chaque espèce et contribue à la variété du paysage. Des espèces allergisantes peuvent même y être intégrées si elles ne sont pas trop concentrées. L’émission des pollens sera évitée par une taille avant période de pollinisation.

Vous tous, jardiniers du dimanche ou du lundi, décideurs, influenceurs êtes avertis, chacun à votre niveau, que vous pouvez contribuer par vos choix à réduire le nombre et la sévérité de certaines allergies pour que toutes les « Fanny » et les « Adam » puissent enfin vivre normalement.

Car les déterminants de la santé, sont bien, selon la définition de l’OMS, les soins médicaux mais aussi, les soins médicaux « les systèmes mis en place pour faire face à la maladie » mais aussi « les circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent ».

Pour conclure par une note humoristique et détendre l’atmosphère, je ne résiste pas au plaisir de
vous présenter ce clip des Mouettes qui nous parlent de l’allergie, en particulier pollinique, d’une façon
hilarante et décalée que je vous laisse découvrir.

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