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Les paradoxes de l’oeuf de caille

publié le 12/04/2022 | par François Lavaud

Qui dit Pâques dit œufs et il est vrai que ceux-ci font partie de notre alimentation quotidienne sous forme naturelle ou en tant qu’ingrédient avec environ 240 œufs par an et par habitant. L’œuf de poule est le plus utilisé mais on commercialise aussi les œufs d’oie, de cane, d’autruche et de caille. La consommation des œufs d’autres volatiles reste anecdotique.

L’œuf fait partie des sources de protéines animales les moins caloriques avec environ 150 Kcal par 100 grammes. Il contient tous les acides aminés essentiels, des lipides, des caroténoïdes et des vitamines dont la choline. Il contient aussi des allergènes puissants comme l’ovalbumine, l‘ovomucoïde, la conalbumine (ou ovotransférine), le lysozyme, l’ovomucine, la livétine et l’ovoglobuline. Ils sont thermosensibles sauf l’ovomucoïde et surtout présents dans le blanc.

Dans la population générale, la prévalence de l’allergie alimentaire à l’œuf de poule est évaluée autour de 1,5%. Elle est plus importante chez l’enfant, entre 1,6% et 2,6% à l’âge de 2 ans et demi, et représente 9,4% des allergies de l’enfant d’âge scolaire (1). 

Les réactions croisées sont habituelles mais non constantes entre les œufs de provenance aviaire. Par rapport à l’œuf de poule, la similarité entre les ovalbumines et conalbumines et la réactivité croisée décroissent dans l’ordre suivant : dinde, caille, cane, oie, pigeon et mouette (si pour autant on voudrait en consommer !). En pratique il est raisonnable de contre indiquer l’ingestion d’œufs des autres oiseaux chez un allergique à l’œuf de poule. Cependant des cas cliniques sont décrits avec consommation possible d’œuf de poule chez une patiente allergique aux œufs de cane et d’oie (anibaro) et des observations d’allergie à l’œuf de caille sans allergie à l’œuf de poule. Le poster présenté par Siouti et Leduc au congrès francophone d’allergologie de 2021 (3) illustre cette situation avec un faible signal des IgE spécifiques vis-à-vis du blanc d’œuf et de l’ovomucoïde de poule chez une jeune patiente de 6 ans très réactive à l’œuf de caille avec symptômes anaphylactiques. Ces auteurs relèvent 5 autres cas similaires d’allergie spécifique à l’œuf de caille dans la littérature.

Par effet de mode la consommation des œufs de caille s’est élargie et s’il y a quelques années on en faisait un amuse-gueule pour apéritif sous forme d’œuf dur, on trouve maintenant de très nombreuses recettes pour leur utilisation à la place d’œufs de poule pour des préparations culinaires diverses, pâtisseries (cakes), sauces (mayonnaise), bouillons, crèmes.

Les médecines parallèles se sont également intéressées à l’œuf de caille en se référant à la médecine traditionnelle chinoise qui les conseille pour le traitement des maladies de la colonne vertébrale, du cœur, du foie, de l’estomac et des poumons. Ils seraient particulièrement indiqués chez les personnes âgées et les enfants. Les écoles japonaises les distribuent au petit déjeuner pour renforcer l’immunité et favoriser la croissance. On les gobe, on en fait des applications cutanées sur les lésions d’eczéma ou des shampoings pour obtenir des cheveux doux et brillants.

Car c’est là qu’on rencontre un autre paradoxe de l’œuf de caille. Dans les années 1970, se basant sur l’observation que les fermiers élevant des cailles présentaient moins de maladies allergiques que la population générale, des études françaises conclurent que la consommation d’œufs de caille améliorait de façon statistiquement significative les symptômes de rhinite allergique saisonnière. Le mécanisme d’action se basait sur l’effet anti-protéase de l’ovomucoïde de l’œuf de caille. Contestables sur le plan méthodologique ces études n’ont pas eu de suite jusqu’à une publication de 2014 montrant chez des sujets sains un effet protecteur sur les tests de provocation nasale à un mélange d’allergènes dans une étude randomisée en double aveugle contre placebo (4). Mais là aussi des biais de recrutement et de méthodologie sont apparus, de sorte que nous restons dans l’expectative et l’attente de nouveaux résultats. Et si on veut rester chinois : l’œuf de caille, yin ou yang ?

1-Dutau G, et al. Allergie alimentaire à l’œuf de poule. Données actuelles et perspectives. Rev Fr Allergol 2012, 52 :515-20. 

2-Anibarro B. Allergy to eggs from duck and goose without sensitization to hen egg proteins. J Allergy Clin Immunol 2000 ;105 :834-6.

3-Siouti S., Leduc V. Allergie à l’œuf de caille sans allergie à l’œuf de poule. Rev Fr Allergol 2020 ;60 :320.

4-Benichou A-C, et al. A proprietary blend of quail egg for the attenuation of nasal provocation with a standardized allergenic challenge : a randomized, double-blind, placebo-controlled study.  Food Science Nutrition 2014 ;2 :655-63.

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