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Parole d'homme de terrain

Le Conseil habitat Santé

publié le 07/12/2020 | par Denis Charpin

Denis Charpin1,2, Catherine Dauvergne1, Rachel Felipo1
1.Association pour la Prevention de la Pollution Atmosphérique-APPA
2.Aix-Marseille université

Ce service a vu le jour en 2001 et a été couplé dès l’année universitaire 2002-2003 au diplôme universitaire de « Conseiller habitat-santé ». Dans cette mise au point, nous envisagerons d’abord la façon dont les visites à domicile sont conduites, puis les résultats de ces visites, ensuite la mise en perspective au vu de la littérature internationale, enfin le diplôme universitaire de Conseiller habitat-santé

Objectifs de la visite

D’une manière générale, tous les acteurs espèrent que l’intervention du Conseiller habitat-santé (CHS) soit bénéfique au patient, mais chacun au regard de ses propres attentes.

Pour le médecin, les bénéfices attendus sont de différents ordres :
Faciliter son diagnostic(s) par une meilleure connaissance de l’habitat ou des habitudes de vie
Améliorer sa relation avec le/les patients
Améliorer l’application de ses conseils
Augmenter l’implication du patient dans la prise en charge de sa pathologie
Diminuer le traitement médicamenteux (si pathologie(s) chronique(s))
Réduire l’intensité des symptômes (pathologie(s) chronique(s)) ?
Diminuer la fréquence des épisodes d’exacerbation (si pathologie récidivante ou crises du fait d’une pathologie chronique)
Améliorer la prise en charge globale du patient

Pour le patient, l’attendu est plus simple :
Aller mieux
Savoir ce qu’il peut améliorer par lui-même dans son logement
Savoir ce qu’il peut demander et à qui pour l’amélioration de ses conditions d’habitation

A partir d’une visite, il s’agit de mobiliser des savoirs, des savoir-être et des savoir-faire pour proposer une ou un ensemble de solutions susceptibles d’améliorer de façon durable la situation de l’occupant visité. Cela peut se résoudre entre le médecin, le patient et le CHS, mais cela peut aussi nécessiter un travail collectif avec toute une chaine d’acteurs et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs dispositifs dédiés à l’amélioration de l’habitat quand il est la cause des pathologies. Le CHS a donc à la fois un rôle d’expert, mais aussi de de transmetteur et parfois de coordinateur

Le déroulé de la visite du conseiller habitat et santé (CHS)

Le rôle du CHS est d’effectuer une enquête environnementale du logement d’un patient à la demande de son médecin lorsqu’il pense que la pathologie du patient peut être lié à l’environnement intérieur de son logement. Il s’agit d’une enquête dont le but est de prendre en considération l’ensemble des risques potentiels du logement, même si la porte d’entrée reste le symptôme ou la pathologie broncho-pulmonaire. C’est donc une démarche de santé publique, qui dépasse la spécialité de la pneumologie.

Le déroulement de la prise en charge d’une visite fait intervenir la réception de la prescription du médecin, la prise de rendez-vous puis l’enquête au domicile du patient.
L’enquête consiste à observer l’’environnement intérieur du logement, remplir un questionnaire avec le patient, réaliser des mesures physiques, chimiques et des prélèvements biologiques afin de donner des conseils d’éviction aux patients.
Pendant l’enquête, on réalise un état des lieux en examinant l’environnement extérieur puis l’environnement intérieur, avec ses composantes : les ventilations, les menuiseries, les chauffages, Les défauts électriques visibles, les appareils à combustion, le mobilier, les animaux domestiques, les plantes, les insectes nuisibles et les points d’humidité.
On prend des photos et on réalise des mesures : température, humidité ambiante et murale, parfois mesure de la concentrations d’acariens dans les tissus (matelas, tapis..), prélèvement d’échantillons biologiques (moisissures, fiente de pigeon, fibre..), et si nécessaire recherche et mesure des produits chimiques (balise Azimut, Radiello, kit Kudzu). Les services comparables au nôtre en Europe réalisent le même type de prélèvements
En possession de tous ces éléments, le rapport de visite est rédigé. Lorsque la situation le nécessite, une fiche de signalement est envoyée au pôle de lutte contre l’habitat indigne avec l’accord de l’occupant.
Le patient recevra le rapport et des conseils et mesures d’évictions, afin de participer à améliorer sa santé respiratoire, son l’environnement intérieur et son cadre de vie.
Pour le médecin la visite lui apporte une aide au diagnostic grâce au rapport et aux résultats d’analyse, une connaissance de l’environnement du patient et la possibilité de voir diminuer les risques au domicile de son patient.

Quelques résultats issus de l’activité de Conseil habitat-santé

Un premier point qui justifie le caractère multidisciplinaire de l’intervention : dans notre expérience dans la région marseillaise, un même logement cumule en général 2 à 3 risques de nature différente (1).
Dans notre région, le risque N°1 est représenté par la présence de moisissures domestiques, présentes dans les deux-tiers des logements visités (1). La présence de la moisissure Stachybotris chartarum, dont l’impact sanitaire est particulièrement marqué, peut être prédit par la simple mesure de l’hygrométrie murale (2). Elle est associée à la présence de mycotoxines de la famille des trichotécènes, particulièrement agressives (3) La présence de ces moisissures est en relation, au moins deux fois sur trois, avec un défaut du bâtiment (4).
Les conseils donnés au patient concernent avant tout des situations d’excès d’humidité, présence de moisissures et infestation par les blattes. Les travaux effectués portent principalement, d’après une enquête téléphonique effectuée auprès des occupants de 348 logements (5) sur l’amélioration de l’aération et ventilation.

Discussion

Des services comparables au nôtre existent dans la plupart des pays européens, en général liés à des services communaux d’hygiène (6). L’appréciation des résultats cliniques est subjective en l’absence de groupes témoins. La littérature internationale et les méta-analyses qui en ont été tirées aboutissent à des résultats décevants puisque les groupes de travail internationaux portant tant sur la rhinite allergique (ARIA) que sur l’asthme (GINA) ont conclu à l’inefficacité des mesures d’éviction habituellement données en consultation chez un patient souffrant de rhinite ou d’asthme allergique. Ces messages négatifs ont été repris par les principales sociétés savantes des pays développés. Une des raisons qui peuvent expliquer cette absence de résultat réside dans la présence fréquente de défaut structurels du logement qui ne pourra être corrigé que par une réhabilitation du logement. L’intérêt majeur de services quels que le conseil habitat-santé est bien d’initier la démarche qui pourra conduire à la mise en évidence de ces défauts structurels, à évaluer et chiffrer les travaux nécessaires pour y remédier puis de rechercher les aides financières publiques qui pourront aider le propriétaire à engager les travaux nécessaires.

Le diplôme universitaire de Conseiller habitat-santé ou D.U Santé Environnementale en Milieu Intérieur

Ce diplôme a été renommé en 2019, son intitulé est DU Santé Environnementale en Milieu Intérieur.
Il est organisé depuis l’année universitaire 2002-2003 au sein de la Faculté de médecine de Marseille.
Il reçoit des étudiants bac+2 et plus, dont la majorité le suit en formation continue, avec des profils infirmier(e), technicien et inspecteur sanitaire, architecte, professionnels de santé. L’enseignement est dispensé en 4 semaines réparties du mois de janvier au mois de juin. Il va être transformé, à compter de l’année universitaire 2021-2022 en diplôme inter-universitaire.

Bibliographie

  1. C. Charpin-Kadouch, J.M. Mouche, J. Quéralt, J. Ercoli, B. Hugues, M. Garans, H. Dumon,
    D. Charpin. Le Conseil Habitat Santé dans la prise en charge des maladies allergiques respiratoires. Rev Mal Resp 2008 ; 25 : 821-827
    2.S. Boutin-Forzano, C. Charpin-Kadouch, N. Bennedjai, S. Chabbi, H. Dumon, D. Charpin. Wall relative humidity : A simple and reliable index for predicting Stachybotrys chartarum infestation in dwellings. Indoor Air 2004 ; 14 : 196-199
  2. C. Charpin-Kadouch, G. Maurel, R. Felipo, J. Queralt, M. Ramadour, H.Dumon, M. Garans, A. Botta, D. Charpin. Mycotoxin identification in moldy dwellings. J Appl Toxicol 2006 ; 26 : 475-479
  3. D. Charpin, R. Felipo. Infestation massive par les moisissures : Implications pratiques. Rev Fr Allergol 2018 ; 58 : 128-130
  4. C. Charpin-Kadouch, J.M. Mouche, J. Queralt, B. Hugues, M. Garans, H. Dumon, D. Charpin. Housing and health counselling : Preliminary results of a new medical referral system in France. Environ Res 2007 ; 103 : 149-153
  5. D. Charpin, R. Baden, V. Bex, S. Bladt, C.Charpin-Kadouch, C. Keimeul, P. da Mata, F. de Blay, M. Kuske, Y. Le Moullec, A.Nicolas, M Ott, R. Marc, C. Speyer, D. Vervloet, F. Squinazi. Environmental home inspections in Western Europe. Environ Health Prev Med 2011 ; 16 : 73-79

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