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La tribune de Corinne Lepage

La remise en cause de l’expertise réglementaire de l’EFSA et ses conséquences

publié le 09/03/2021 | par Corinne Lepage

119 députés européens soient le cinquième du Parlement viennent de demander à l’efsa de modifier les conditions d’évaluation des pesticides et de prendre en considération toutes les substances qui sont présents dans ces produits pour évaluer les risques.

Parallèlement neuf associations ont déposé une plainte contre X pour fraude à l’étiquetage, mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement en raison de la mise sur le marché de ces pesticides : la présence d’arsenic, de métaux lourds et d’autres substances toxiques cancérigènes de la famille des HAP ont été retrouvées dans des produits sans que l’étiquette correspondante n’ en porte la mention. Il faut rappeler que depuis le règlement 1107/ 2009, la réglementation exige une évaluation portant sur la composition complète des produits.

La mise en cause de l’EFSA dans l’évaluation des pesticides n’est évidemment pas nouvelle. La saga du Glyphosate – qui n’est pas terminée -a mis en lumière les conditions pour les moins suspectes dans lesquelles il a été procédé entre 2015 et 2017 à la réévaluation du produit. L’opacité dans laquelle s’est déroulée cette évaluation, l’utilisation de certaines études au détriment des autres a conduit à obtenir une série de décisions très circonstanciées de la Cour de Justice de l’Union Européenne, reconnaissant le droit des associations et des citoyens européens à obtenir la totalité des études sur lesquelles se fondent les autorisations et définissant de manière très précise les conditions dans lesquelles l’évaluation doit être faite (arrêt du 1er octobre 2019).

Ce nouvel épisode montre les progrès à accomplir et conduit à deux types de réflexion :

  • d’une part, l’importance prise par les règles d’évaluation scientifique pour la mise sur le marché de produits (et leur maintien ) aurait dû conduire à une application claire et précise des règles démocratiques pour entourer l’évaluation comme la gestion du risque. Par règles démocratiques, il ne faut évidemment pas entendre que ce sont les citoyens qui font l’évaluation mais il faut entendre que les règles fixées par les textes pour assurer la protection de la santé humaine et de l’environnement doivent être appliquées de manière rigoureuse dans les protocoles d’évaluation ce qui n’a évidemment pas été le cas puisque ce sont en réalité les intérêts industriels qui ont été à la manœuvre depuis plusieurs décennies pour définir les règles pratiques du jeu à l’EFSA. Du reste, les nombreux cas de conflit d’intérêts qui ont été relevés témoignent de la porosité de cet organisme d’expertise essentiel en Europe. Dans la mesure où les études s’accumulent aujourd’hui pour démontrer la dangerosité et la toxicité de très nombreux produits chimiques, des pesticides, des perturbateurs endocriniens avec les conséquences sur la santé humaine, sur la dégradation de l’environnement et sur les coûts collectifs supportés par les assurés sociaux comme par les contribuables, il est indispensable que des règles strictes trouvent enfin à s’appliquer
  • d’autre part, dans un monde où le complotisme, la défiance règnent en maître, mettant en péril à terme la démocratie elle-même, il est impératif que le monde de la science prenne conscience de l’importance de son rôle politique au sens le plus noble du terme. Appliquer de manière drastique les règles posées par la cour de justice de l’union européenne serait déjà un progrès considérable. Mais on peut aller plus loin. La définition de nouvelles règles d’évaluation qui n’auraient pas été préparées par l’industrie mais qui auraient été encadrées dans le cadre classique de la codécision, avec des comités d’éthique chargés de veiller sur l’élaboration des documents techniques pourraient redonner confiance à tous nos concitoyens, dans les décisions qui sont prises et donc dans ceux qui les prennent.

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