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La tribune de Corinne Lepage

La prévention plutôt que la précaution

publié le 12/04/2021 | par Corinne Lepage

La 3ème vague de l’épidémie accompagnée d’un confinement finalement assez difficile à caractériser donne fâcheusement l’impression de faire du surplace et d’être dans un tunnel dont on ne sort pas. La frustration est d’autant plus grande qu’un certain nombre de pays qui ont vacciné plus rapidement et qui ont pris des mesures sévères donnent l’impression de mieux s’en sortir et de voir redémarrer non seulement la vie économique mais la vie tout court.

Il est évidemment beaucoup trop tôt pour tirer toutes les conséquences qui doivent l’être de ce que nous sommes en train de vivre et qui peut perdurer. Mais, il est clair que les concepts de prévention et de précaution – à ne pas confondre- sortent , quoi que veuillent essayer de soutenir certains lobbys- très renforcés comme l’est le concept de médecine environnementale

S’agissant de la prévention et de la précaution, nul ne peut douter aujourd’hui du caractère central de la prévention à tous les niveaux. Qu’il s’agisse des masques ou des tests, de l’organisation et de la logistique préalable à la vaccination, de la conception même de l’hôpital devenu totalement inadapté à force de restrictions budgétaires, prévenir, prévoir, anticiper sont désormais les maîtres mots de toute politique non seulement sanitaire mais publique. En effet, la résilience qui devient un objectif essentiel des adaptations inéluctables auxquelles nous sommes confrontés, individuellement et collectivement, répond à l’incertitude mais celle-ci peut être réduite, voire cantonnée grâce à la prévention.

Beaucoup de choses peuvent être pardonnées à un décideur public dans une situation de crise mais certainement pas le fait de n’avoir rien prévu et de ne s’être pas adapté en fonction des prévisions. Du reste, la judiciarisation de la vie politique fait que les plaintes qui ont été déposées contre des responsables politiques reposent précisément sur la méconnaissance d’une obligation particulière de sécurité et de prudence entraînant la mise en danger d’autrui ou encore l’abstention de combattre un sinistre. Dans les deux cas, c’est bien le manque de prudence qui est une traduction dans le langage commun de la prévention qui est mise en cause.

Quant à la précaution, invoquée notamment à propos des risques liés au vaccin Astra Zeneca, ce qui conduit à un arbitrage entre prévention (vaccination) et précaution (risque d’effets secondaires), elle est appelée en réalité à de nouveaux développements relatifs à la nature des risques susceptibles d’être pris. À cet égard, la question de l’origine de la pandémie et de l’hypothèse d’une fuite de laboratoire pourrait conduire à s’interroger sur le point de savoir si, au regard de la catastrophe qu’a représenté cette pandémie, les manipulations qui visent à adapter un virus pour le rendre plus dangereux pour l’homme sont admissibles. Au-delà, c’est toute notre conception de notre rapport à la nature qui est bouleversé dans la mesure où chacun peut comprendre que la santé est unique qu’elle soit environnementale, animale ou humaine.

En effet, la médecine environnementale, parent très pauvre de la santé et de la médecine, se trouve propulsée sur le devant de la scène imposant de remettre en cause notre conception d’une médecine cantonnée au curatif alors que l’essentiel est en réalité dans le préventif. C’est la qualité de l’environnement, de l’air, de l’eau, des produits alimentaires, des sols qui font la santé humaine ; la lutte contre les zoonoses, et donc indirectement contre les pandémies, passe par la reconquête des espaces naturels, des forêts primaires, de la préservation de l’habitat des espèces sauvages, de la séparation entre espèces sauvages et espèces domestiques .

Les coûts, économiques, financiers, sociaux, humains de cette pandémie imposent un big-bang dans la conception même de la finalité des politiques publiques et même privées. Dans cette logique, nul ne peut douter que la prévention jouera un rôle majeur.

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