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La tribune de Corinne Lepage

Il est temps de s’attaquer aux causes

publié le 07/12/2020 | par Corinne Lepage

Jamais sans doute la question de la santé publique n’a été autant au cœur du débat politique au sens large et au sens étroit du terme. En effet, depuis le mois de mars 2020, nos concitoyens comme les autres européens sont abreuvés d’éléments d’informations sur la COVID, ses conséquences, les soins apportés, la situation des hôpitaux etc. jamais la parole n’a autant été donnée aux médecins et responsables de santé. Certains ont mis en valeur des paroles très contradictoires du monde médical cependant que d’autres en appelaient à la fin du pouvoir politique remis entre les mains du monde médical. Le débat peut avoir un intérêt sur le plan politique ; il n’est pas l’objet du présent propos.

En effet, une question plus fondamentale se pose : pourquoi ce sujet de la pandémie et plus généralement de la santé publique est-il traité par l’aval et non pas par l’amont

Expliquons nous. Toute la stratégie qui a été développée a consisté à parer au plus pressé c’est-à-dire éviter un engorgement complet des hôpitaux . C’est normal puisque la capacité d’éviter des morts par manque de soins était en cause. Le traumatisme du monde médical face à l’obligation de choisir entre ceux qui pourraient avoir le droit de vivre et ceux qui ne le pourraient pas, a été violent. Pourquoi y avait-il un risque d’engorgement complet des hôpitaux ? Parce que la politique poursuivie depuis des dizaines d’années est une catastrophe. Malgré les lanceurs d’alerte, puis les grèves à répétition, puis les démissions en cascade, la politique comptable s’est poursuivie amenant à des fermetures de lits. Les médecins ont perdu la maîtrise de la gestion des hôpitaux au bénéfice de fonctionnaires comptables. D’où l’engorgement des hôpitaux du à la COVID et la gestion de la pandémie au regard de l’aval plus qu’au regard de l’amont c’est-à-dire en fonction des capacités hospitalières plutôt, au moins au départ, que de la prévention et du soin.

Sur la prévention, la gestion catastrophique des masques et l’absence de tests durant toute la première période a conduit au confinement qui était la seule solution possible pour éviter une hécatombe. Mais, le second pic n’a pas été du tout anticipé par un renforcement des moyens des hôpitaux (au contraire, il semblerait que le des lits aient continué à être fermé), les rémunérations promises ont été très réduites et pour certaines pas versées, d’où un manque massif de personnel médical. La politique de traçage n’a pas été efficace ( des centaines de milliers de tests dont les résultats étaient rendus huit jours plus tard et sans solution de confinement des cas contacts au demeurant devenus trop nombreux). Quant à la politique de soins, les médecins de ville ont été quasiment interdits de soigner durant toute la première période et la liberté de prescription a été remise en cause. Sans parler de l’affaire du remdesevir comme de l’hallali qui a entouré l’Hydrochlorhoxine.

Mais, au-delà de tel ou tel fait, qui peut lui-même est très révélateur d’un sujet beaucoup plus profond six, la vraie question est celle de l’anticipation et de la prévention. Malheureusement, nos politiques publiques – c’est vrai en matière de santé publique mais également en matière de police, d’éducation nationale notamment – ont abandonné les politiques de prévention qui pose la question de fond pour des sparadraps en aval qui non seulement ne règlent pas les problèmes originels mais de surcroît ne suffisent évidemment pas.

C’est en réalité toute la conception de nos politiques publiques qui est à revoir .En matière de santé publique, les politiques de prévention se sont largement focalisés sur le tabac et l’alcool en omettant complètement toute la question de la pollution environnementale. L’accumulation des études sur les liens entre cette dernière et la COVID , dont il a déjà été question dans ces colonnes, sans enfin avoir fait prendre conscience de la gravité de la pollution de l’air. S’attaquer à la pollution de l’air sérieusement, c’est réduire les pathologies et peut-être également la propagation du virus. Le même type de raisonnement doit être tenu en ce qui concerne l’usage des produits chimiques à la fois l’intérieur des habitations en ce qui concerne la pollution de l’air et les allergies (l’AARCA est particulièrement bien placée sur le sujet ) et bien sûr dans la chaîne alimentaire.

Bref le moment est largement venu d’inverser la vapeur et de s’attaquer aux causes plutôt qu’aux effets. En cette fin d’année et période de vœux, souhaitons-nous collectivement de retrouver le bon sens – dans les deux sens du terme– , une forme de sérénité qui permet la résilience, la place du long terme.

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